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UN GEANT DANS L’INDIEN

Un Géant chevauche à grandes enjambées l’Océan Indien. Un  géant, ou plutôt 6 géants, six marins hors normes pour qui la Saint-Sylvestre n’aura ce soir aucune saveur particulière, autre que l’intense application à dévorer à grands pas les immensités désolées qui bordent le continent Antarctique. Francis Joyon, Gwénolé Gahinet, Sébastien Audigane, Bernard Stamm, Clément Surtel et Alex Pella surfent avec modestie et belle humeur depuis le 27 décembre sur les vagues de l’exploit au quotidien. Ils avalent depuis 5 jours, à grands coups d’accélérations souvent enregistrées à plus de 40 nœuds, des distances quotidiennes il y a peu encore considérées comme inaccessibles, 790 milles, 876,20 milles, 871 milles, 871,03 milles et 869,12 milles hier, série en cours… soit des vitesses moyennes de plus de 36 nœuds ! Le retard sur le record accumulé en Atlantique Sud dans les griffes de l’anticyclone de Sainte-Hélène, un moment porté à 755 milles, succombe mille après mille à la détermination sans faille du commando Joyon, en passe de doubler sous 24 heures son concurrent virtuel Banque Populaire V. Certes, Ouessant est encore loin, et Francis le pragmatique se refuse pour l’heure à voir plus loin que la durée de son quart, vigilant au bon fonctionnement de cet étonnant maxi trimaran IDEC SPORT, attentif à la bonne rotation des quarts et conscient de l’hostilité permanente propre aux cinquantièmes hurlants.

« C’est Francis qui m’a alerté ce matin que nous étions le 31 décembre ». Hilare, Bernard Stamm témoigne ainsi indirectement de l’engagement total qu’exige en ce 16ème jour dans le Trophée Jules Verne, la quête permanente de la haute performance. Un moment refroidit hier par la proximité un peu trop immédiate d’un iceberg, Joyon et ses hommes, sans mollir le moins du monde, ont simplement rehaussé d’un cran le niveau déjà élevé de leur vigilance aux éléments extérieurs. Le vent, toujours orienté sur l’arrière bâbord du bateau, souffle en permanence à plus de 30 nœuds. « En bâbord amure depuis 5 jours, on aurait pu se contenter d’un prao » plaisante Francis, ravi d’une trajectoire rectiligne qu’aucun empannage n’est venu interrompre de toute la semaine. Selon l’état de la mer, qui se dégrade aujourd’hui à l’approche de l’archipel des Kerguelen, les vitesses de pointe oscillent entre 38 et 44 nœuds. « L’important est la vitesse moyenne » précise cependant le skipper. « Nous voyons sur notre écran la représentation virtuelle du grand trimaran bleu de Loïck Peyron en 2012, et nous constatons avec plaisir que l’écart diminue à vue d’œil. Nous espérions le doubler dans le Pacifique, mais ce sera peut-être chose faite dès l’Indien. »

L’application et la motivation de l’équipage sont donc telles que les festivités du nouvel an se réduiront à bord d’IDEC SPORT « à deux coups de sifflet brefs ! », « Les sacs de repas et de surprises pour le nouvel an se retrouvent aujourd’hui mêlés avec tous les autres, et je ne suis pas sûr que nous trouverons un menu particulier ce soir », explique Stamm.  Francis Joyon est un poil plus radical ; « je ne souhaite pas bouleverser le rythme de nos quarts, et priver quiconque de précieuses heures de sommeil au profit d’une quelconque célébration. » Les hommes de quart s’échangeront ainsi leurs vœux mutuels dans l’intimité froide et confinée du cockpit, l’esprit certes un moment détourné vers leurs proches, mais la concentration plus que jamais appliquée à tenir toujours et encore ces hallucinantes moyennes, capables de les porter, dans moins de trois jours à la longitude du Cap Leeuwin, sur la base de leur déjà extraordinaire record de l’an passé, quand en 5 jours, 11 heures et 23 minutes, ils avaient rallié Bonne Espérance à la pointe sud-ouest de l’Australie.

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